PAïEN ~ POÏEN

Jacques Van Brussel

ILUSTRATION PATRICIA COENJEARTS "LE VAGABOND"

PREMIERS EMOIS

Qui se rappelle les premiers frémit

L’instant, où pour la première fois

La devine muse enfin s’immisce

Et sans crier gare, fais entendre sa voix

Une voie, qui depuis longtemps, on espère

Nous guide la main, nous met en émoi

Seconde hors du temps, ce temps qu’on ne gère

Le temps des écrits, de premiers émois

Je me vois m’assoir dans mon fauteuil d’osier

Une plume dans les mains, dans l’autre un papier

Comme aux premiers pas où l’on ne distingue

Le temps des babilles, celui des levées

Un jour en douceur, comme une naissance

Une introspection s’est enfin imposée

L’air qu’on inspire à sa prime naissance

La vérité crue de la créativité nue

Tout arrive

 

Écrire

ERATO

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À KHADIDJA ELHAMRANI MA MIE EN POÉSIE

ET PIERRE NICE MON POÉTIQUE FRÈRE

POUR L’INSPIRATION ET LA FORCE QU’IL

ELLE ME DONNENT

MERCI POUR VOS ENCOURAGEMENTS

DECLARATION PREALABLE

 

 À toutes les femmes

Que j’ai connu

Que j’ai aimé

Qu’un jour j’ai vu

Je dois vous dire illico

La seule que j’aime

C’est Erato

 

Et même les hommes

Que j’ai aimé

Ceux avec qui

J’ai partagé

Sachez-le bien, oh, mes potos

La seule que j’aime

C’est Erato

 

Puis mes enfants

Pardonnez-moi

Cette vérité

Je vous la dois

Entre elle et vous

Y a pas photo

La seule que j’aime

C’est Erato

 

Un jour, elle m’a prise à son sein

M’a biberonné de ses refrains

Toujours, elle donne les premiers mots

De mes poèmes,

Erato

 

Vous, si un jour vous avez cru

Qu’a vos pieds, je me suis ru

La seule pour qui je courbe le dos

C’est Erato

 

Erato, ma belle muse

Si un jour, par quelques ruses

Tu viendrais à me quitter

Je te suivrais

 

 

ERATO

----1----

Quand tu plonges, je plonge avec toi

Dans le tréfonds des profondeurs de ta poésie

 

On ira cueillir des coraux cosmiques et des poissons-lunes

Rien que pour nos plumes

On se soulera à l’encre de seiche, noir de nos écrits

Et l’on suivra la route des baleines au chant de leurs poèmes

 

Le bleu de Neptune nous colorera les yeux

On sera l’égale des Dieux

Erato, ma belle compagne, seras-tu mon poisson-lyre

 

Je suivrai ta trace jusqu’à la surface avant que le bord ne vire

----2----

Tu vogues sur les vagues en surfeur hawaïen

Tu n’as jamais peur de rien

Au creux de la vague tu cut back dans des barrels protecteurs

Et trace en lignes aquatiques des phrases éphémères atlantiques

 

La main d’Erato guide tes pas inspirés au-delà du possible

Tu plonges dans le noir de ton encre en fou de Bassan

Jésus héraldique, tu danses sur les surfaces aquatiques

Et dessine des mots magiques inspirés par ta muse

 

Tu marches en empereur, seul, devant tes troupes

----3----

Bravant les dangers innommables, tu protèges ton œuvre

Au temps des écrits, tu chéris ta muse, elle se place en maitre d’œuvre

 

Hélène, serai-je toujours seul dans ce royaume trop étriqué

Entouré par les eaux de mon inspiration

 

Même devant la Bérézina j’ai trouvé la force de poursuivre

En laissant derrière les mots inutiles les phrases trop faibles pour vivre

J’écris des pages d’histoires en dernier héraut des antiques

Oh! Erato, ma muse, je fus la pointe de ta plume

À l’encre aux couleurs héraldiques

 

Ai-je péché par orgueil, déchiré les recueilles encore à écrire

Ou fût cette île mon destin, pour ma muse une belle fin

 

Héros en exil dans les eaux du Léthé sur son hellénique île

Erato, sur l’autel épique je me suis sacrifié

Abandonné par les dieux, je fus le héros décrié

Au son de ta lyre 

.…4….

 

Erato Accompagne-moi de ta lyre et chante-moi tes hymnes dans ma main

Je danserai des pieds de vers, fins comme des pointes

Des tournures de phrases sacralisées aux murmures de tes lèvres

 

Sur l’autel de ma prière, je me ferai Derviche pour toi

 

….5….

 

Je me suis tourné en planétaire sur blanc immaculé

Une circumambulation écrite en noirs arabesques sacralisées

Ma plume virevolte sur son de l’oud et du ney

Aux rythmes polymorphes du kuküm

 

Danse sacrée pour des dieux millénaires

Je te chante en mystique pour la Samâ’

Divine muse, je t’envoie ma prière

Dans mes chants dans la semahâne

 

Je danse lunaire ma prière au soleil

Ma main tendue dans l’espace

Je tourne en toupille et je m’émerveille

Je sème tes paroles en extase

….6….

 

Au souffle de ta voix, j’écris des mots invraisemblables

L’amour, je te le chante, je le chante pour toi

Je frôle de mes doigts ton corps divin

 

Tu seras mon amante

J’irai jusqu’à Galatée pour entendre ta voix

 

Erato, puis-je vous aimer, comme on aime sa belle

Puis-je un jour, sentir ton corps contre moi

Enlève tes oripeaux, viens avec moi et deviens celle

Qui caresse mon âme au son de sa voix

 

Ma belle Erato, allonge ton âme aux côtés de moi

Sur ma feuille blanche, ma couche est chaude

 

Tu me fusionnes dans une douceur de soie

 Tu me couvres d’une douce étreinte,

Je te pénètre jusqu’à l’aube

 

Je coule mon encre dans ton âme fleurie

Ton âme me coule ta sève dans mes vers inspirés

J’extase tes mots, jusqu’à l’ultime oubli

Tu te retires discrètement me laissant transporté

 

….7….

Je te suivrais jusqu’en enfer,

Erato

Mais l’enfer est pavé et je suis fatigué

Puis-je m’assoir un instant sur ta route

Voir passer des raies-papillons

Au bout du chemin il y a, tu t’en doutes

Il y a les croisés des bonnes intentions

Je te suivrai jusqu’en enfer, Belle Rebelle

Si tu m’appelles, je te suivrai même sur cette terre

Je suis un Flamant d’enfance, perdu en France

 

J’ai faim de paroles et j’ai soif de chants

Erato, toi, qui as des seins multiples

Allaite-moi, abreuve-moi de l’instant

Et que suit le poétique périple

Je rendrais Charon millionnaire pour le faire taire

J’irais jusqu’au Léthé pour tout oublier

J’y laisserais sa barque, mais je persisterais

 

Je veux voir chaque feuille d’un œil nouveau

Je veux réinventer chaque mot

J’écouterai ta lyre pour qu’elle m’inspire

Erato

Ouvre-moi les yeux

Emmène-moi au royaume des dieux

J’en crève, refais-moi vivre le rêve

 

Écris sur ma peau en perles de sang

Des hymnes oubliés encore à inventer

 

….8….

 

Le long des fleuves, au-delà du mont enneigé

J’ai vu se lever le soleil bleu

Bleu immaculé comme les profondeurs océaniques

Les plages égéennes me furent interdites

 

Plongeur de perles, je cherchais la perle noire

 

Dans des profondeurs apnéiques, j’ai trouvé la mort

D’un baiser hypnotique

 

Perachora, j’ai prié sept jours et sept nuits

Dans ton temple

 

Erato

Au son de ta lyre

J’ai chanté des chants polyphoniques

Aux sons qui s’entrechoquèrent, jusqu’aux profondeurs d’Épidaure

 

Tu m’as ressuscité des morts

 

….9….

 

Erato

En chantant les mots, tu me soufflas les phrases

Et les tournas mille fois dans ma tête

Tu m’habillas de poétiques fêtes

Et plongeas mes textes dans les fonts baptismaux

 

…10…

Je suis né de tes phrases

Bien avant que la nuit fût levée

J’ai pleuré à ton sein

 

Erato

Tu m’as nourri de ta langue

Je suis en phrase avec toi

 

Et chante le jour, comme le jour cri l’amour

Je suis ton païen, poïen

Dilettant, amoureux

Vagabond sur tes terres

Tu es là Mère

LES ACANTHES

J’ai posé dans ma demeure

Des grappes de poèmes

Comme on dispose des fleurs

Au pied de celle qu’on aime

 

Et récité à l’envi

Des flagrances suaves

Pour lui plaire, ma mie

Pour être son esclave

 

Laissez-les où ils sont

De peur que je ne la perde

Ne lui volez pas mon don

À ma princesse en herbe

 

Vous auriez tout loisir

Si jamais ils vous manquent

De humer à l’envi

Mes poétiques acanthes

 

Lorsque vous repartez

Faite-le à douce pas

Nous vous en saurions gré

Ma belle mie et moi

LA COMPLAINTE DU POETE

Que serai-je sans toi

Que serai-je sans les autres

Un poète sans toit

Qui ne saurait s’exprimer

 

Un scribouillard médiocre

Qui, de temps à autre

Poseraient quelques rimes

Pour faire passer le temps

 

J’ai tant aimé tes encouragements

Je me fais porter par ta musique,

Toi, ma muse

Je ne suis rien d’autre

 

Qu’un simple dilettant

Qui cherche à atteindre

L’alme par la ruse

Je n’ai rien à t’offrir

 

Que des vers, quelques rimes

Erato, tous les jours

Je n’attends que toi

 

Que serais-je sans toi…

LA PAGE BLANCHE

 Tous les jours, le matin, aux levées

Il y a le doute qui me prend et m’effraie

Je m’arme de ruse

Pour savoir, si ma muse

Veut encore aujourd’hui m’inspirer

 

Chaque jour, je suis désespéré

La magie m’a pour toujours quittée

Je ne trouve pas les vers

Comme si, depuis hier

J’ai bu à la source du Léthé

 

Tous les jours, c’est la même cérémonie

Erato, mon aimée je la prie

J’ai besoin pour mon calme

De sa poétique alme

Qui m’apaise et inspire mes écrits

 

ERATO , MA MUSE

 Assis à ma table, dans un clair-obscur

J’écris pour moi ce poème

 

Depuis bien trop longtemps maintenant

Une idée, comme une belle bohème

Me bouscule l’âme: m’inspire pour sûr

 

Au fond de moi, les mots se bousculent

Les vers se tirant la bourre

Se rangent, par un heureux hasard

En douce strophes, en rimes d’amour

Aux rythmes inspirés et parfois un peu ridicules

 

Je vous aime mon ange, ma muse, mon amour

Je vous aime en preux chevalier

Et vous offre mon arme, ma plume

Si jamais vous repartiez, me laissiez

J’attendrai impatiemment votre retour

L’ALME DU POÈTE

 Je mange mes mots, en cherchant mes phrases

Je compte mes pieds ; n’étaient-ils pas deux

Je ne ponctue pas, je te crois assez sage

Pour découvrir l’écrit dans un premier adieu

 

Je tourne les phrases sept fois dans ta bouche

La mienne est trop sèche, elle a tout donné

Les traces de mes pieds doivent laisser une touche

Comme, touche le peintre, d’une touche colorée

 

Je tourne mes mots, les miens, dans tes phrases

Je bâtis chaque lettre, chaque mot d’une strophe

 

À la fin de l’écrit, je me trouve en extase

Je t’entends chanter ; tu me chantes antistrophe

 

Erato, Erato, que n’ai-je pas fait pour toi

J’errai au son de ta voix

 

Je limitrophe, j’apostrophe, je cherche mon alme

Une terre poétique comme un sein nourricier

 

Enfin, je m’extirpe de ma plume en larmes

Et laisse mes écrits dans une encre séchée

 

Sauras-tu lire les mots, mes mots à venir

Sauras-tu dire les phrases, me les amener

 

Est-ce dans ta bouche que l’encre recoulera

Referas-tu vivre l’empreinte de mes pieds

 

Erato, Erato, je te dédie mon poème

Je m’en vais m’écrire ma vie en bohème

ARRIME AU PORT D’ERATO

 Le long de tes pieds

Tu l’aimes plus que jamais

 

La nuit se calme

Les voix s’apaisent

Les âmes se font discrètes

Et enfin, je reste seul

Avec mes rimes,

 

Arrimé au port d’Erato

Je me mène en bateau

Léthé, tu es la source de l’oubli

L’étais-tu quand j’étais en vie

 

Je veux oublier le moindre souvenir

Pour t’honorer, pour te servir

 

Erato, ma divine muse

Jamais je ne te refuse

La moindre poésie

Je m’inspire de tes délires

 

Oh, ma Mie Je te propose

Mes vers de prose

Comme des parterres de fleurs

Qui honore tes jardins, ta demeure

Païen-Poïen

 

Une belle vie, c'est une pensée de la jeunesse

Réalisée dans l'âge mûr.

Alfred de Vigny

JE T'OFFRE MES REVES

Je t’offre mes rêves en sang d’encre

Mon encre en sève de vie

Des pages de mon recueillir

Mes nuits quand je lève l’ancre

 

Ta morsure je la reçois en héritage

Je vogue sur ton souvenir

Je voile les plus beaux rivages

Où mes pieds me font atterrir

 

Je pose mes pieds de vers

Des vers fragiles, cristallins

En traces de vie au bord de mer

Emportés par un souffle divin

 

Je pose mon sang sur des pages de souffle

Je lie, et je lis, et je relivre mon âme

 

Sans jamais, non jamais le fleuve ne souffre

Du cours de mes rêves, les mots qui en émanent

POÈTE ET BOULANGER

 Ne rien attendre, tout espérer

Et se battre, rester digne

Les pires bassesses pour pouvoir publier

Les humiliantes concessions

Et la course après la reconnaissance

 

JE M’EN TAPE

 

Je suis un sauvage de l’écrit

J’écris mes poèmes sur des murs inédits

Comme on tague les villes sans âme

Chaque prose réalisée se doit d’être oubliée

Le temps joue en ma faveur, m’enflamme

 

APRÈS MOI, IL Y EN AURA D’AUTRES

 

Je ne veux pas être enfermé dans des discussions stériles

Avec de pauvres linguistes d’une sècheresse débile

Des imbéciles puristes qui prosodient avec de mortes concepts

Ils sont pauvres, ils sont desséchés, leurs arguties sont ineptes

 

Je ne veux pas m’aliéner avec des hypocrites groupes

 

JE NE LEUR SERVIRAI PAS LA SOUPE

 

Je rêve mes vers en paysages bucoliques

 En chanteur de rue qui sème sa musique

 

Je suis le dilettant royal d’une longue dynastie

Le cuiseur de pain aux poétiques envies

À quoi ça sert d’écrire des poèmes

 

LA POÉSIE, ÇA SE VIE

 

À la recherche de mon âme, je me suis perdu

De vu, de vous à moi je ne m’y trouvais plus

J’ai repris ma route là où je l’avais laissé

Pour vivre en poète en toute liberté

 

JE SUIS UN POÈTE,

MA MIE

JE SUIS UN BOULANGER

LES CHEVALIERS DE BROCELIANDE

 

Ils ont surgi de la nuit des temps

D’un chant lointain passé

Ils apparurent d’un ombre immense

A l’orée d’une forêt

 

Ils déroulèrent, d’un chant barbare

L’âme du bois sacré

Ils sont dix, ils sont cent Ils sont dix-mille âmes

Des ombres en rangs serrées

Comme extirpé de la forêt

 

Brisant la brume d’une nuit vieillissante

Aux chants des anciennes armées

Chantant d’une voix forte et puissante

Le valeureux chant du guerrier

 

Ami, entends-tu

Le vol noir des corbeaux

Sur nos plaines

Le jour s’allume en pleine nuit,la brume se disperse

Quand l’aigle fonce au combat, armé de sa bannière

Sur la place sacrée à l’ombre Marseau une génération se lève

 

Entends les pas, le chant des martiaux

Sacralisé par le glaive

C’est le sacré qui nous transporte

 

Nous sommes comme jeunes et de bravoure

Les chevaliers de Brocéliande

Pour la patrie et par amour

 

...

Aux armes, citoyens

Formez vos bataillons,

Marchons, marchons !

Qu’un sang impur

Abreuve nos sillons !

PLUS JAMAIS CA

 J’ai vu le sang couler dans tes veines

Tes yeux me scrutaient jour et nuit

Ta voix m’était plus familière que la mienne

Je sais tes engouasses, je connais tes cris

 

Quatre ans d’enfer postés l’un contre l’autre

Crever de faim et les pieds dans la boue

Emmitouflé dans une espèce de fautre

J’ai oublié ton nom, j’ai cru devenir fou

 

Rien!

Rien!

Rien n’a encore d’importance

Ni la vie ni la mort, même pas la dignité

 

On nous extirpa de notre tendre innocence

Pour servir de médaille aux plus hauts gradés

 

J’ai vu les cadavres se lever dans la pleine

Des vivants déchiquetés dans la boue

J’ai dû vomir mon repas au rendez-vous du trépas

J’ai eu peur d’y aller, je l’avoue

 

Il nous en a fallu du courage pour partir à l’assaut

Dans cette orgie de sang et de larmes

Pour revenir, j’ai dû porter un homme sur mon dos

Il était tombé sous le crachat des armes

 

 Nous fîmes convier à la fête infernale

En invités vedettes du roi des enfers

Et massacrés dans une danse tribale

Pour assouvir cette soif de sang et de chair

 

Oh, mon Dieu, je vois encore ton visage

Les traits juvéniles, encore presque un enfant

Mais à la guerre, un homme n’a pas d’âge

Pour tuer ou mourir, on ne compte pas le temps

 

Au pays de Dante, il n’y a pas d’éclats d’obus

L’OISEAU DE FEU

 J’ai vu le grand oiseau s’embraser

Bel oiseau-lyre, qui jadis nous chantait

Qui jadis nous chantait ses odes à la vie

Nous chantait des ondées, de pures poésies

 

J’ai vu ses plumes de feu attiser des passions

Des passions tristes, enflammées d’une flammèche

Flambée d’une lèche, d’un oiseau infamant

Et il n’y a pas de larmes assez, et qui éteignent

Pas de baumes de baisers, plus d’amour

 

Fasciné par ce grand volatil flamboyant

On s’éprend d’une passion mortifère

Enlacés de ses flammes, on se perd

Et l’on se consume, comme se consume

Une feuille enflammée, un feu follet

 

Et quand le manque d’air nous fait sentir la fin

De feu en oiseau-lyre, il nous revient

Et d’un doux chant, il nous embaume nos blessures

D’ondées de larmes qui apaisent nos vacarmes

SHUTDOWN

J’ai erré le monde, loin

Et parcouru mes rêves

J’ai tout rangé, avec soin

J’ai voulu une trêve

 

Dans les placards de mon passé

J’ai classé toute une vie

Sur le bureau de cuir glacé

Une feuille blanche, qui me sourit

 

SHUTDOWN

SOLSTICE D’HIVER

 Plus grand que toi, il y a Gê

La Mère de toute vie sur terre

L’être n’est que l’étant qui va naître

Naître est le début, d’une longue agonie

Et entretemps, il nous faut vivre …

 

Oh Matrice divine, tu nous donnes le droit de croître

De tes sources sacrées,

Tu abreuves nos voix

Et nourris nos âmes, apaise nos engouasses

Vie…

VIE…

VIE !

 

Mère nourricière

Le temps de la fin est enfin arrivé

Les jours se sont mis au nord de la nuit

Le crépuscule avant de renaître

 

Heimdall descend de ton arc de feu

Le roi de houx doit céder sa place

De chêne le nouveau roi le remplace

Le cycle de vie nous revient de tes vœux

 

Dansant la mort du soleil au lointain

Le feu se fera dans nos âtres

Une nouvelle vie à l’éclat adamantin

Dois renaître, comme renaître et croître

 

 

Plus grand que toi, il y a Gaya

La Mère de toute vie sur terre

Naître n’est qu’être tout en naissant

Naître est le début d’une vie

 

Illumine les fenêtres de l’éclat d’une flamme

Gê va enfin se régénérer

 

Gaïa n'est pas une mère, elle est là Mère.

La Matrice n'est pas une maternité,

Elle est l'Exosphère dans laquelle

Gaïa chérit toute forme de vie

Et de laquelle elle rayonne de vitalité

Jusqu’aux confins de l'héliosphère

 

Gaïa est la vie, la mort, la haine, l'amour,

Le Yin et le Yang, la régénérescence,

Le renouveau, le calme plat, la transe.

 

Elle est pierre, elle est feux, elle est air et eau

La constance, l’inconstance, le laid, le beau

Elle est vie, elle n’est pas la mort

Elle est celle, quand on s’endort

Qui nous accueille en son sein

 

Elle est d’où l'on va , d’où l'en viens

 

La fête de Yule embrase l'âtre de nos cœurs

La nuit sera longue.

 

La mèche cachée par le cierge

Danseras de toutes se lumières

Jusqu’à l’aube de l’an

Les Æsirs sont de retour

 

L’arbre de vie trône dans nos demeures

Orné des astres du ciel

J’ai pris la bûche, la plus grande trouvée

Elle gardera le feu du soleil

La fête de Yule embrase l'âtre de nos cœurs

La nuit sera longue.

 

Harald mon roi aux beaux cheveux

Je chante avec toi ce mémoire

 

Limpide comme l'eau aux rayons de la lune

Tes mots s'ancrent en moi

J’entends tes vers qui comme un trait de plume

S’envolent, me laissent sans voix

 

Toi le poète tu caresses mon âme

De ton souffle tu éveilles mon regard

 

Tu m’inspires les phrases, ravives la flamme

Des écrits que nous fîmes autrefois

En lettres de sang, tu écris sur les pages

Vélin ou les pages de soie

 

Tu traces en dessin comme tu chantes des images

Jongleur sur un fil, impétueux funambule

Tu sèmes tes poèmes à claire voix

 

 

Je lève mon verre en l’honneur de la nuit

L’heure de la propitiation est venue

Le jour sera fécond

LE CRIE

 Écoute le sang qui coule dans nos veines

Le toucher ce serait vain et combien illusoire

La magie ne s’opère pas le soir, elle se performe

Sur la grande scène, se transforme, dans un flot

Une farandole de mots vivants, en nos poèmes

 

La comédie, elle se vit, on lui donne nos larmes

Notre sang, elle s’incarne comme une âme nouvelle

Pour qu’elle vous interpelle, elle est faite de mots

Une musique, si, la, do, que l’on chante sans savoir

Si l’on chantera encore ce soir, comme un dernier solo

 

Écoute la musique de nos mots, elle chante

Comme chante une Alicante, elle ne coule point

Quand elle nous vient, mon amie, elle s’improvise

Et quoi que l’on en dise, elle finit par nous dessiner

Dans la lumière, une mélopée de vers, d’idiomes

 

J’ai vu des fantômes dans l’ombre des coulisses

Le son feutré, la lumière grise, une solitude sur papier

Les traces de pas imaginé, d’une ballerine à l’ancre

D’une plume dans l’encrier, de loin, je l’ai vue crier

 

MUNCH

 

J’ai vu les vers se briser, une mère déchaînée

J’ai vu le sang couler dans ses veines

La toucher serait vain

NEMAUSUS

La ville s’endort au rythme du froid

Sur la place aux arènes, un toréro s’est figé

 

La façade d’arcades s’est enfin illuminée

Et les passants qui s’arrêtent

Comme ils s’arrêtent tous les ans

Pour permettre à l’enfant

Qu’un jour ils ont été

De mieux en profiter

De revivre cet instant

 

La ville s’endort au rythme du froid

Au jardin de la fontaine, Diane s’en est allée

 

Le sanctuaire de la source s’est éclairé pour toi

 

Et les badauds qui regardent

Comme on regarde le temps

Tu te relèves le col

Pour conjurer le vent

En t’imaginant nymphe Nymphe des océans

 

Mais l’océan est loin et tu n’es pas une source

Ou seulement pour moi, mais alors à l’eau douce

Et tu ne t’en irais pas loin, parce qu’à toi, tu sais, je tiens

Et tenir à toi, c’est comme s’abreuver à l’eau de source

 

À ta claire fontaine, un jour, je m’en suis venu

Pour ne jamais m’en aller et depuis que je t’ai bu

Plus rien ne me désaltère, que l’eau de ton ru

Qui ruisselle dans mes veines et déborde de tes crues

 

La ville s’endort au rythme du froid

Le soleil blafard ne tardera pas de se coucher

Dans les ruelles, les vitrines fraichement lavées

 

Scintillent de milles couleurs

Et les gens emmitouflés

Sous les échos de leurs souliers

Et qui pressent le pas

Comme se presse le pas

Les badauds, quand ils ont froid

PAÏEN-POÏEN

 Je ne suis qu’un poète pouilleux

Je verse ma poésie en strophes douteuses

Païen poïen, je lutte pour la belle prose

Celle de l’Amour, celle de la bonne cause

La mienne, si j’ose, est celle du verbe choisi

Que m’importe qu’elle soit trop jeune, trop vieillit

Je la pose en lignes fractales, aux pieds d’argile funambule

 

Ma danse est vulnérable et fragile

Je promène mon pairi-daeza avec bonheur

Je cultive mes mots, en besogneux laboureur

Mes champs ne sont pas ceux des batailles

Ou alors, de celle où les semailles ont un goût de liberté,

Je suis le révolté

 

Je suis l’éternel amoureux

Je sème sur mes lais, à l’orée de mes cieux

Des bouquets d’œillets, de poètes en herbe

Pour des fleurs des champs encore vierges

De toute pollution

 

Celle que je préfère, en somme

Ce sont les quatrains, et que Dieu me pardonne

Les catins, les catines, les Katherine, les divines

Les muses infidèles, les pieuses, les heureuses

Celles qui me prêtent l’ouïe, pour que j’oie mes comptines

 

Je sème pour les filles que j’aime, les gracieuses

Et qui m’aiment, elles sont ma belle prose

Païen poïen, je lutte pour leur bonne cause

Ma Mie en Poésie, si tu veux

Je ne suis qu’un poète pouilleux

LILITH

 J’ai tant à donner, pour ne plus te perdre

J’ai tant à souffrir et tant à découvrir

Pour te garder, j’irai jusqu’aherdre

Le moindre souffle, le moindre souvenir

 

J’ai traversé des monts de solitude

J’ai vu le ciel de ses hauteurs enneigées

Dans les bordels remplis de prostiputes

J’ai bu le vice jusqu’à ne plus aimer

 

Dans des églises de religion à naître

J’ai tout sacrifié sur des autels d’argent

Esclave, martyr, de nombres dieux, ni maîtres

Je tenais la lame aux sacrifices d’enfants

 

Aucune eau ne peut être assez profonde

Il n’y a pas de mer, trop bleue, pour enfanter

Je me ferai juge, le jour de me confondre

Et pour te voir, j’irais jusqu’à me damner

 

Lilith, je t’ai connu avant de naître

Je garde en moi des désirs inassouvis

Il y a-t-il un fruit, pour que tu puisses renaître

Dans mes entrailles, il n’y aura jamais d’oubli

LE CHEMIN DE RETOUR

 Le chemin de retour est loin devant

 

Les rêves trop épars

Caché derrière le néant

, Là, où je dois renaitre

 

J’ai semé les cailloux,

Sur des chemins de traverse

J’ai rattrapé la lune

 

Je gravis les cimes, les monts

J’ai lézardé des vallées

De tout mon être, je maudis la terre

 

Le chemin de retour, est loin derrière

Des jardins trop rêvés

 

Aux longues laies fleurie

s Naquirent du réel

Un soleil plus doux

Apaisa mon âme

 

J’ai tant rêvé mon alme

Assis sur un banc

Je compte les nuages

 

Enfin

Je suis rentrée

 

Un vagabond apaisé

LES PÉRIPATÉTICIENS

 J’ai vu des péripatéticiens

Filer des philosophes au train

Des magnifiques et jeunes éphèbes

À dix mille mètres au-dessus de la plèbe

Se prendre pour des Anaximandre

Tout en se perdant dans les méandres

De l’art difficile de la philosophie

Il leur manquait peut-être un peu de poésie

 

J’ai vu des « putes » plus avisées

Dans la populace bien encrée

Me souffler avec beaucoup d’aisance

Des vérités d’une beauté intenses

Une vérité digne d’Hypatie

La femme savante d’Alexandrie

Et qui m’ont laissé de poétiques images

Des vérités dignes des lointains âges

 

Alors je vous en prie, ne juger pas trop vite

Les poètes (ses) quand on vous les cite

Ce ne sont pas leurs provenances

Qui peuvent avoir quelconque importance

Un philosophe péripatéticien

Peut-être pire que la pire des catins

Alors que dans une simple fille de joie

Il peut y avoir plus de poésie que tu crois

LE SILENCE

 Les silences Frédériciens

Ou le zénith est plus loin

Que l’horizon étendu

Le silence en lointaine vue

Une parenthèse dans le temps

L’éternité étendue devant

 

Le silence de Van Beethoven

Dans sa musique quand elle se love

En aisance, en accord

Jusqu’aux limites, mais d’abord

Comme une note indicative

Est un silence sensitif

 

Les silences du poète

Qui se ponctue au fleuret

Tous ces mots qu’il n’a pas dits

Toute l’essence de sa poésie

Les silences qui l’accompagnent

Comme on accompagne une vie

 

Et le silence du philosophe

Qui se tait que l’on apostrophe

Le silence dans sa pensée

Toute une suite philosophé

Un silence nécessaire pour faire

Une fugue avec ses pères

 

Puis le silence dans son vacarme

Qui nous touche nous désarme

Qui résonne dans nos pensées

Comme un bruit ancestral

Et qui risque de nous emporter

Dans une volute théâtrale

 

Tous ces silences prometteurs

Pour le lecteur

L'ECOUTE

 Je t’ai suivi partout où tu es allé

Je me suis tu quand les autres ce sont ru’

Pour submerger toutes tes pensées

 

Aux premiers silences autour de toi, je suis revenu

 

Quand tes mots se sont abreuvés au Léthé

Je t’écoutais, même dans tes cris les plus barbares

Dans les ivresses et la tristesse de certains soirs

Je fus pour toi le salvateur pour que ta plainte ne meure

 

En moi résonne ta poésie,

Tes vers enfin prennent vie

Je suis la cible de tes complaintes

De tes assauts, de tes quatraintes

Je prends tout ce que tu veux donner

Tout ce qui reste à ma portée

Même les miettes que tu éparpilles

Je ramasse mes billes

 

Tout au fond de moi, je refais ta vie, je remets en moi

Je me remets en bouche le son de tes choix

Et tous tes mots que je me reconstruis, ta mélodie

 

Caisse de résonnance, depuis ton enfance

Tu me poursuis de tes avances poétiques

Je te protège de ta solitude pathétique

 

En t’écoutant, je suis ta fidèle acoustique

L’écho qui te renvoie le son de ta voix

LA DOULEUR

 La douleur est un cri

Qui saigne dans le cœur

Et résonne dans nos veines

Jusqu’à prendre tout le corps

 

La douleur est un chant

Comme une bataille perdue

Une mélopée, qui tristement

Obsède et vous tues

 

La douleur est une voix

Une voie sans issue

Une ruine qui, quand on l’écoute

Vous mène à la rue

 

La douleur quand elle t’emporte

De toute son énergie

Dans ses tourbillons hypnotiques

On y perd la vie

 

La douleur se propose

Comme un soporifique

Qui atténue la chose

Jusqu’à devenir hypnotique

 

La douleur, il ne faut pas

L’écouter trop longtemps

Il faut l’enfermer dans son cœur

Et la chérir de temps en temps

 

La douleur nous apaise

Jusqu’à devenir amie

Nous accompagne, de temps à autre

Quand on reprend goût à la vie

 

Alors la douleur se grave

Dans les rides du temps

Et nous accompagne

Dans notre vieillissement

LA VERITEE

 

Ça marche avec amour, fidélité, amitié, sincérité, respect, et vie

Ça marche avec vie ta vie, intensément, sans nuances

Sincèrement, sans offenses, vis la vie et BONHEUR

Réveille-toi, c’est l’heure

DIEU

Ouvre tes yeux

C’est comme un héritage

Un jeu, dans lequel c’est toi l’enjeu

La vérité se négocie en virages, la vérité est sage

Comme la voie du mage, fragile, tranquille, indélébile, fébrile

 

Le poète écrit

Du fond de son âme

Le peintre peint du bout du pinceau

Les chanteurs chantent de toute leur voix

 Un acteur vient vous offrir son rôle

Le compositeur compose

Et Michelangelo…

La vérité

LES AMBIANCES NOCTURNES

 Les ambiances nocturnes

La lumière en moins

Me rendant taciturne

Me rendant chafouin

 

Les heures à tourner

À chercher le sommeil

Dans une obscure ambiance

À guetter le réveil

 

Plutôt loup, que chien

Entre eux deux, j’ai choisi

Ils finiront en festin

Mes délires ovins

 

Et c’est là qu’une idée

Sournoisement m’envahit

Celle de ne pas oublier

Ce que le dicton dit

 

Ne vous faites envahir par le désespoir

Prenez en patience, votre mal

C’est quand la nuit est au plus noir

Que l’on peut voir le plus d’étoiles

 

 

LA MORT

 J’ai touché la mort d’un doigt

Juste frôlé du bout, je crois.

Un jour sans crier gare,

Assis devant mon miroir,

Je l’ai vu apparaitre, si j’ose

Dire, en anamorphose

 

Un autre-moi si différent

Et pourtant égal à

L’image que je me fais,

Enfin plutôt à l’imparfait

 

. Il m’est rentré une sorte de froid.

D’abord par ce bout de doigt

, Une sensation cristalline, comme

Un givre qui me consomme

 

Et se propage en parfait coprophage

Se nourrissant du reste de ma vie.

Ce froid je l’ai d’abord senti

Remonter par mon bras et puis

Inexorablement, me glacer jusqu’au front.

Envahir mon corps.

Dans un dernier frisson

Un spasme désespéré

 

J’ai essayé

De sauver ma dernière part d’humanité.

Je vous en prie, touchez-moi le cœur

Sauvez-moi de mes humeurs.

Brisez mon miroir

Que dégèle mon désespoir.

LA PLUME

 J’ai la plume de l’eider, sortie de l’édredon

Une plume si douce, qu’elle se trempe dans mes rêves

Et m’écrit d’une encre aérienne

Sur un ciel de lit, ses plus beaux poèmes

J’ai un ciel de lit, plus étoilé qu’un ciel d’hiver

Et qui me rêve toutes les nuits, des rêves en polychrome

Qui me berce au rythme de mes chants

Tous les soirs, à l’encre bleu nuit, presque noir

Et qui m’émeut, et qui me berce, comme on berce un enfant

 

Je suis l’enfant de la houle, du berceau

Je dessine sur parchemin un monde d’édredon

Un monde si doux qu’il chemine en nuages aériens

Et qui jamais ne me refrène

 

J’ai gardé au bout de mes doigts

Comme un goût de poèmes, qui, comme il se doit

Ne demandent juste une plume légère L’encre de mon âme

Et le souffle de ma voix

PIERROT

 Assis sur un banc sur la Lune

Je vois passer devant moi

La Terre, son passé, d’une plume

Caresser l’océan

 

Sur la Lune, un banc me propose

D’écrire une prose pour toi, ma Mie

Ma compagne, prisonnière en campagne

D’une main tremblante, j’ose à peine

Caresser l’océan

 

Je décroche pour toi cette Terre

Juste pour te plaire, la dépose, je crois

À tes pieds, dans des vers consommés

Que tu puisses imperceptiblement

Caresser l’océan

 

Je caresse d’une main cette Terre

Je pose une plume, comme se pose

Doucement une brume sur l’océan,

 

Avec toi, je suis sur la Lune

Assis sur un banc

ÉPITAPH

 La brume diffuse au-dessus des eaux acratopèges

Ne saurait être insignifiante

Elle se détache en volutes et chante mon ami, elle chante

D’étranges mélopées d’une voix embrumée

 

Et danse des suaves arabesques

Montée sur les murs du temps, aliéné aux antiques fresques

Aède, plonge ta plume dans l’eau d’encre du Léthé,

Chante d’un voile circulaire

 

Le temps nous spirale des chants de naguère

Au mont Olympe, la voix des oiseaux

Nous revient en polyphoniques vacarmes

Aux lointains échos de sirènes licornes

 

Sang, rouge sang, la Lune réverbère en héraldiques formes

Le temps des héros appartient au passé

Les eaux saumâtres du Styx nous informent

Les brumes de l’oubli nous viennent du Léthé

 

Chante ton dernier poème, les eaux sont acratopèges

Écoute l’écho de tes insignifiantes arpèges

Envelopper ta voix dans des brumes arabesques

 

Désespéré, le poète peint ses dernières fresques

Comme on laisse des paroles aux tombeaux millénaires

PAS DE DEUX

 Je ne veux pas de deux

Il est trop sinistre

Je ne peux dire mieux

Et dans son registre

Il est encombrant

Un signe du temps

 

On n’est jamais seul

Toujours accompagné

Puis abandonné

D’un amour en deuil

 

Devant son miroir

On perd tout espoir

 

Je ne peux pas le deux

J’essaie, mais je pense

Que je ne peux faire mieux

Le deux, ça ne se danse

 

Ce n’est rien de plus

Qu’un pas cadencé

Des bottes militaires

Le son de la guerre

 

Même à l’opéra

Un pas de deux se danse

Chacun pour soi

Il n’y a pas de transe

Il n’y a pas d’amour

Côté jardin côté cour

 

Tiens, donne-moi du trois

Le trois, çà ce dance

C’est comme un émoi

Qui toujours avance

Une vieille rengaine

Un joli refrain

 

Ou donne-moi du vingt

Le vingt me va bien

Il me rend joyeux

Ce n’est pas comme le deux

Qui est triste, malheureux

Je ne veux pas de deux

LE SEMEUR

 J’ai semé des lettres aux quatre vents

Et les rassembla dans des livres jadis oubliés

Fragiles boutons de poèmes d’antan

Éclos en fleures luxuriantes rassemblés

Dans une métamorphose

En bouquets de proses

Dans une prosodie de vases

Délicatement disposé sur un claustra de phrases

Une intime narration sur papier d’une vie

Pure Anthologie

SEUL

 Seul le monde se souviendra de moi

Seul

Pour les autres, je serais toujours avec eux

Pas de deux

Ou de trois, pour ceux qui sont plus proches de moi

Et pour moi

Je ne me souviendrai plus de rien

Ou l’intense présence de ceux à qui je tiens

Pour un instant d’éternité

Ultime instant, souvenirs volés

Seul

Pas de deux

Ou de trois

Seul pour moi

LA NUIT

 Enfin, le jour qui fuit

Faisant place à la nuit

C’est le temps des rêves

Des souvenirs, une trêve

Au cours de ma vie

 

Mes yeux de lourdeur se closent

Sur ma tête, un voile se pose

Une berceuse bercée

Une étreinte de Morphée

Des nocturnes histoires se proposent

 

Enfin, je fuis le jour

Les yeux trop lourds

Une nocturne trêve

Me renvoi à mes rêves

Jusqu’au jour nouveau

L'ERRANCE

 Je te cherchais au-delà l’horizon de Planck

Là, où les murs n’ont plus de mémoire

Là, où je poursuivis les univers-iles

Comme si le temps m’était conté, je te cherchais

 

J’irais gréer mon âme aux voiles alizéens

Lèverais mon ancrage de peur d’aherdre

Et suivrait le cap poussé aux vents sélénien

Lâchant les amarres aux étoiles de nuits noires

 

Au-delà des tropiques du capricorne,

J’ai constellé au jour nouveau ton firmament

J’ai hurlé avec les rugissantes ton nom, Cybèle

Je n’ai eu comme réponse que du vent

PAIRI-DAEZA

 Souviens-toi du temps, où les roses

Fleurirent nos pas à chaque enjambée

Le temps ou nos laies se mirent en pause

Le temps de se voir

 

Aux croisées des chemins

La rose éclot, aux jonctions de nos mains

Libérant du creux, des flaveurs embaument

 

Aux routes croisées, nous vécûmes à dessin

Un nouveau partage d’une vie en amants

 

Pairi-daeza

 

De rose dans notre Éden, la fleur fut trémière

Fragile et non moins téméraire

D’amour un jour nous nous sommes aimés

Comment maintenant vous désaimer

LE LÉTHÉ

 Le long de la drève des cygnes noirs

Glissent sur un ru opaque

Livide, j’observe le lien

Il, ne me reste plus rien

Plus de drachmes pour atteindre l’alter-rive

J’ai joué mon dernier lepton dans l’eau vive

De ma jeunesse trop agitée, trop turbulé

Je n’ai plus la force, que puis-je encore donner

Je serai l’éternel errant dans un no-mans land

Ni mort ni vivant oublié dans mon hinterland

Je marche dans des volutes de désespoir

Plus loin se glissent des cygnes noirs

Le silence comme un lointain écho

Se brise sur l’eau

En jouant sur ma vie

NATURE MORTE

 Le pinceau chuchote des couleurs sur la toile

Silencieux tu murmures des formes

Le monde peut s’arrêter de tourner

Oublie le souffle du vent

La fin est comme un commencement éternel

Le point où ton pinceau tourne dans l’espace

Et invente des mots dans des langues imagées

Brille dans ta tête

 

Tu vis ta vie frénétique

Tranquillement

En tête à tête avec tes œuvres

Morte nature, c’est comme vivre

OUPLUS RIEN N4AS D'IMPORTANCE

Ou plus rien n’a d’importance

 

Les nuits blanches aux reflets pâles

Et les matins ivres de n’avoir pas dormi

L’écho des mots qui en nous résonnent

Comme claquent les pas sur les pavés à Paris

 

Ce dernier instant figé dans le temps

Dans les bars-tabacs se tabassent les sucres

Se claquent les pièces pour un petit noir

 

Les voix se font douces se voilent matinale

Plus loin, les rues se lavent comme on se lave du soir

L’absinthe, absente, d’esprits envolés

 

Les matins blancs et les nuits d’ivresse

La verte se mure dans mon crâne brisé

L’écho resonne et jamais ne cesse

Les voix matinales dans les rues lavées

LE VAGABOND

Plutôt debout sur tes genoux

Que vivre en mourant

Je ne sais où, cela me mènera

Je serais survivant

 

Plutôt rester hors d’églises

Que trembler pour le diable

Vivre sans tabous

Que passer à table

 

Sur ma route d’existence

Je veux voir le monde

S’il faut périr avec lui

Est-ce si immonde

 

Tant de choses sont trop belles

Pour ne pas aimer

Et d’écrire sur une feuille

Pour remercier

 

Je veux vivre fière et libre

Où que vie me mènera

Même vivre à genoux

Tant que ça ira

 

Je vivrai ma vie debout

J’irai peut-être à tâtons

Jusqu’à la fin de la route

Je serais vagabond

AL ANDALUS

 Nous étions frères, certes éloignés

Mais d’esprit frère en créativité

 

On a bâti un monde, une civilisation

Tout en dialogue, sans abjuration

De notre Dieu, nous gravîmes la Voix

De son appel, chacun par sa voie

 

En poèmes, nous nous sommes mêlés

Les trois frères, les trois héritiers

Que reste-t-il de nous

 

Du monde de tolérance, du monde d’espoir

Il reste seulement toutes les pages

Que nous avons laissé en héritage

 

Al Andalous, où t’es-tu perdue

Fille sage parmi les élues

 

Il y a des jours où tu fus la Grande

Aujourd’hui, tu as disparu

 

J’ai pleuré des larmes d’encre

De poèmes trop vite oubliés

Al Andalus que nous est-il arrivé

SOLITAIRE VOYAGEUR

 Il n’y a pas de serrure trop grande pour voir passer l’univers

Il n’y a pas d’univers assez noir

Et où les étoiles se comptent par-delà les constellations

Il n’y a que des éclats des impressions

 

Plus loin que la ceinture d’Oort, la petite chose insignifiante

Dessine son destin en lignes fractales

D’une cabale immense et qui nous vient de la nuit des temps

De solaire, il ne reste que le vent